mardi 31 juillet 2018

Vous n'attendez pas qu'on vienne vous chercher

Vous êtes médecin de garde lorsque l'infirmière vous appelle pour un patient en arrêt cardio-respiratoire. Etat inattendu pour ce patient sans antécédent particulier connu. Vous le massez, l'infirmière lui injecte une ampoule sous-cutanée d'adrénaline à votre demande, vous remuez dans tous les sens devant le chariot de réanimation mais rien n'y fait. L'infirmière remonte le drap sur ce visage figé et vous murmure gentiment, la main sur votre épaule : c'est fini.
Vous êtes chirurgien en train d'opérer au bloc opératoire, une chirurgie de routine. Soudain, un bruit strident se fait entendre, l'électrocardiogramme est plat, les manœuvres de l'anesthésiste sont vaines, le patient vient de mourir sous vos yeux ébahis. Vous ignorez si vous avez fait une erreur dans la procédure comme fissurer une artère ou pas, et peu importe, la résultante est la même. Le décès est prononcé. Vous vous pencherez sur le dossier dans un deuxième temps mais il y a plus urgent.
Vous retirez votre masque et votre blouse. Vous inspirez un bon coup.

Et là, alors que vous n'avez même pas de conseiller en communication payé des millions (emploi fictif ou inutile?), vous vous préparez à vous adresser à la famille du défunt avec courage et honneur.
Vous savez bien que ça n'effacera rien. Votre première déclaration sera pourtant déterminante.
Pas tant sur le plan juridique ou judiciaire, mais plutôt sur le plan humain.
Pour vous, pour eux. Pour leur dire que vous n'êtes pas irréprochable, que vous êtes un humain.
Pour leur montrer que, responsable ou non, vous comprenez leur colère et leurs doutes, que vous appartenez comme eux à l'espèce humaine. 
Vous êtes désolé et c'est la chose que vous dites d'emblée et pas une semaine après. 
Chaque mot est réfléchi, décidé. Vous approuvez André Breton lorsqu'il dit : '' un mot et tout est perdu, un mot et tout est sauvé.'' 
Et ceci même si votre erreur ne portait pas à conséquence, même si elle était plus une affaire d'été qu'une affaire d'état. Vous n'attendez pas qu'on vienne vous chercher.
Vous vous exprimez clairement avec des mots justes et vrais, adressés à tous et pas uniquement à un public déjà conquis.
Vous essayez de ne pas tout engluer dans une bouillie faussement bienveillante.
Vous montrez votre solidarité et votre honnêteté.
Vous ne dissimulez pas la vérité, vous ne cherchez pas d'excuse, vous n'affichez pas de déni, vous ne minimisez pas les faits. Ce n'est pas vous la victime.
Vous n'accusez pas les éléments ou d'autres protagonistes.
Nul doute alors, vous êtes un soignant, pas un homme politique.

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