Elle
procure une émotion incroyable la toute première fois. C’est une situation
nouvelle, inédite, tranchant radicalement avec la routine, un moment béni des
Dieux, un moment de bonheur pur et simple transcendant le cours de nos existences.
La toute première fois embrasse tous les domaines : amoureux, culturel,
artistique…Le premier regard, les premières mesures de Sunday Bloody Sunday
annonçant l’arrivée de Bono sur scène, la première lecture d’un texte
merveilleux, la première arrivée sur la vieille ville de Jérusalem…
Quand
on est médecin, c’est quand on a sauvé la vie de quelqu’un pour la toute
première fois. L’inoubliable instant où l’on s’est pris pour Dieu, et ça fait
du bien! Je me suis remémorée cette sensation extraordinaire lors de la
(re)diffusion d’un volet de l’émission enquête
exclusive. Le réanimateur pédiatrique filmé s’occupait d’un enfant de 2 ans
admis pour un asthme aigu grave. Son pronostic vital était en jeu tant il ne
pouvait plus respirer malgré l’arsenal thérapeutique mis en œuvre. Tout allait
très vite, avec un sang-froid adapté, ce médecin a dit aux
infirmiers : attention, il va
s’arrêter. Et il avait raison. Tout à coup, plus un souffle, ECG plat,
l’enfant était en arrêt cardio-respiratoire. Mais cela n’a duré qu’une seconde,
les soignants tous affairés à leur poste, il a été ventilé au masque
frénétiquement puis intubé, et le
réanimateur a dit: ça y est, merci à
tous, nous l’avons ramené. Soulagement, reconnaissance éternelle des
parents, les téléspectateurs dont j’étais ont essuyé une larme.
Mon
premier massage cardiaque, geste dur et fastidieux, ma toute première fois,
partait très mal. J’étais seule, fatiguée, mais dans le désespoir, la force est
décuplée et miracle, j’ai perçu le pouls carotidien, le patient est revenu
après quelques minutes de blackout. Cette impression de dépassement de soi,
teintée de joie et de gloire, ne vous quitte plus. Elle vous grise, vous ne
pouvez plus vivre sans elle. Elle vaut de l’or! Je me suis toujours demandée
pourquoi les médecins, et les soignants en général étaient si mal rémunérés surtout
en France, malgré un service rendu allant bien au-delà de l’acquisition d’une
quelconque richesse (la vie étant le bien le plus précieux). Naïvement, je
croyais à un mépris des professions de santé, historique, aggravé au fil des
années, entretenu par les différents gouvernements. Je me trompais. En fait,
les soignants ont tellement de décharges d’adrénaline qu’ils sont au-dessus des
biens matériels. Ils les compensent par toutes ces émotions positives. Nul
besoin de sports d’hiver, de sacs de marque, de belles voitures quand on a le
privilège de vivre de telles sensations…
Et
c’est un peu pareil quand vous avez sauvé des centaines de vie d’une fusillade,
vous avez juste droit à la même médaille qu’une présentatrice de variétés!
F
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