lundi 5 avril 2021

Un pour cent (dédié à la journée mondiale de l'autisme le 2 avril)

 

Mon petit chéri,


On a déjà supporté tellement de situations depuis le « mais qu’est-ce qu’il a ? » ou « il est mal élevé » jusqu’à « ne vous attendez pas à des miracles ».

 

On a eu le loisir pendant toutes ces années de réfléchir à ce qu’est la tolérance et l’inclusion, mais aussi l’indifférence. Beaucoup se sont donné bonne conscience parce qu’ils ne pouvaient pas faire autrement, certains ont confondu tolérance et condescendance « c’est pas grave, fais-toi aider ».

 

Parce qu’autiste, tu es différent, et cette différence-là, ce n’est pas juste de la diversité.  Elle gène tous les aspects de ta vie. Tu es empêché. Elle t’envahit. 

Le Pr Delorme a même employé le terme de maladie. L’affiliation à la MDPH (maison départementale des handicapés) ne fait que l’appuyer. Elle pourrait d’ailleurs se nommer plus positivement Maison de l’inclusion, Maison des différences, ou Maison des solutions mais non c’est le mot handicapé qui a été préféré.

 

On a observé la profondeur de la bêtise humaine.  Mais aussi l’hostilité parce que parfois le regard est plus méchant qu’ignorant y compris parmi les enseignants : « il ralentit la classe » et le commentaire du prof de maths de 6e avec l’approbation de la principale : « j’espère que tu trouveras un établissement qui te correspondra mieux », ce qui en dit long sur l’inclusion…

On a consulté, reconsulté.

 

On a écouté les autres nous détailler les choses formidables que leurs enfants accomplissaient , vers quelle voie eux se destinaient.

On a eu les yeux mouillés quand tu n’étais pas invité. Aux réunions, aux rencontres sportives, aux anniversaires, aux soirées. On a affronté tellement de regards.

Je t’ai vu serrer les dents quand tu entendais la musique d'une fête voisine à laquelle personne n’avait envisagé de te convier.

 

J’ai si souvent mal dormi à me demander ce que tu deviendrais, qui t’aimerait, qui seraient tes appuis, tes amis.

 

 On a heureusement eu la chance de connaître la bienveillance dans notre entourage immédiat ou lointain : nos proches, des professeurs des écoles, des AVS (auxiliaires de vie scolaire) et même cette amie qui m’a proposé de venir t’aider en classe bénévolement. On a croisé la gentillesse et la compassion, ça nous a redonné confiance en l’humanité.

Des artistes se sont déjà intéressés à notre combat parfois par la force des choses, avec leurs films, leurs livres : Samuel le Bihan, Olivier Nakache et Eric Toledano, …

 

Les autistes sont souvent dépeints comme ayant des pouvoirs extraordinaires tels des médiums hypersensoriels ou des génies en mathématiques. Cela m’a toujours interpellé.

Les parents d’autistes comblant un cruel défaut de compliments, ou naturellement aveuglés par un amour inconditionnel, emploient des expressions mielleuses à leur endroit : « il est vraiment super mon fils ». On en arrive à perdre en lucidité. On imagine un don du ciel. On envisage même les bénéfices de cette contrainte.« Avoir un enfant handicapé m’a rendu meilleur ou plus empathique ». 

 

Mais les autistes sont avant tout des personnes en grande souffrance à soutenir et à aider.

 Cette semaine a eu lieu la journée mondiale de l’autisme ce qui m’a évidemment remué le fer dans la plaie.

Alors mon chéri, comme dans la chanson, deviens génial.

Je te dirais volontiers que la route est longue mais cela supposerait que ce n’est qu’un passage obligé, que cette route a une fin.

 

Hors j’ai enfin cessé de croire au Père Noel, et au Pr G. pédopsychiatre renommé quand il déclarait : « Il est dysharmonique, petit à petit cela va se réharmoniser dans tous les domaines mais ça prendra quelques années encore. »

 

 Donc, continuons de l’appréhender, cette route est sinueuse je sais, j’en suis navrée, elle est parfois très dure, mais j’essaie de te donner de bonnes chaussures et de me tenir à tes côtés. 

FF

 

 

 

 

4 commentaires:

  1. Bonjour, je partage en partie votre ressenti, mais je ne pense pas que se soit les parents qui s'aveuglent sur les capacités de leur enfant. C'est surtout les médias qui sont plus friands à divulguer des histoires de personne autiste géniale plutôt que celles de la grande majorité qui sont "juste" handicapés.

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  2. Les mots (maux) de mon coeur sous votre plume ...
    Merci beaucoup on se sent moins seul

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  3. Bonjour, merci beaucoup pour cette publication. Oui c'est tellement cela, j'en ai les larmes aux yeux, nos enfants différents, tellement attachants, et nous questionnant et requestionnant sur notre rôle de parent et notre lien à la "normalité" : qu'est ce que la normalité finalement ? C'est un parcours tellement compliqué, comme vous le dites, avec tellement de jugements de toutes parts. Merci beaucouup pour votre billet.

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  4. Bonjour Mme, je vous conseille de mettre votre fils en contact avec des adultes autistes qui s'en sortent, ça va certainement l'aider au vu de l'expérience que nous sommes entrain de vivre à la Maison de l'Autisme de Mulhouse.
    Je fais partie des plus anciens membres de cette association d'adultes autistes, initialements l'idée était de nous entraider face à la manière dont la société nous traite.
    Il se trouve que d'une manière très surprenante nous sommes tous entrain de nous transformer, y compris des gens qui étaient considérés comme des cas désespérés par les psychiatres.
    Cela n'enlève pas toutes les sources de souffrance, surtout étant donné la manière dont les "bienveillants travailleurs sociaux" nous considèrent souvent comme des bébés débiles, d'une manière totalement insupportable.
    Nous essayons de faire bouger les choses et je pense que ça va dans le bon sens.
    L'idée que les autistes peuvent s'occuper d'autres autistes... parfois tout simplement en ne faisant apparemment rien de spécial... est très mal vue de certaines personnes neurotypiques qui pensent s'y connaître.
    L'expérience que nous sommes entrain de vivre nous montre que c'est une très grosse erreur : certains autistes ont absolument besoin de rencontrer d'autres autistes pour réussir à s'en sortir.
    Je reste persuadée que l'autisme est un don... à condition de trouver ce qui nous plait, d'être respectés, et d'apprendre comment fonctionne le monde extérieur et comment interagir.
    Nous sommes en minorité et cela dérange, on essaye de faire taire les autistes verbaux (exemple : les psychologues autistes qui doivent se cacher pour réussir à obtenir leur diplôme), on détruit les non-verbaux (mauvais traitements abominables en hôpitaux psy), c'est un immense gâchis.
    La première chose à faire serait en quelque sorte d'avoir le droit d'être autiste. Par exemple, que quand on se présente chez le médecin du travail avec sa RQTH, il ne nous dise pas "ah, mais ça je ne peux pas l'écrire" pour chaque adaptation que l'on demande et à laquelle on aurait droit (c'est quelque chose que j'ai vécu).
    Je vous donne mon prénom si vous voulez me contacter demandez à la personne qui gère la MAM elle vous donnera mon mail : Roselyne
    Bonne journée

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