vendredi 9 octobre 2020

Par Camille L.M: A ces 45 ans que je n'ai failli pas avoir à cause du Covid...

Assez régulièrement ces 5 derniers mois, j'ai très souvent entendu cette phrase : " tu es le seul cas grave que je connaisse.", du coup j'ai eu envie de partager ce qu'il m'est arrivé.

J'ai 44 ans au début de cette histoire, suis en pleine forme et nous sommes le 2 mars 2020. C'est mon premier jour chez Microsoft. L'onboarding démarre bien et je suis accueilli à distance par ma nouvelle boss, elle-même bloquée à Singapour à cause des restrictions sanitaires en Asie. En France, la pression monte en ce début mars et le spectre d'un potentiel confinement se dessine, chacun se posant la question de ce qu'il va faire si jamais nous en arrivons là.

Le lundi 16 mars, le président Macron annonce à tous les Français qu'un confinement total démarre le lendemain à midi avec, dès lors, l'impossibilité d'entrer et sortir de Paris. Je pars du coup me confiner chez un couple d'amis près de Reims avec ma famille. Nous y arrivons le mardi 17 mars. J'apprends en même temps qu'un de mes team member, ayant assisté a mon dernier staff meeting, 10 jours avant, est positif au Covid-19.

Nous passons 10 jours confinés, à digérer les différentes informations et à vivre plutôt normalement, le travail en remote étant une norme bien installée chez Microsoft. Nous en profitons pour deviser gaiement aux heures des repas, et d'enchainer les apéros avec un rythme soutenu.

A ce moment, nous étions plutôt sereins, grâce à un pseudo sentiment d'impunité, portés par la relative jeunesse de nos années et à cause d'un discours télévisuel exacerbant plutôt la fragilité de nos ainés. Nous nous sentions peu concernés.

Le vendredi 27 mars, je me lève avec une fièvre conséquente, environ 39° et un sentiment de fatigue que je traîne toute la journée. Le soir mes amis me narguent puisque je boycotte le sacro-saint apéro pour aller me coucher tellement je suis assommé par la fièvre. L'un de mes colocataires confiné se sent également patraque. C'est très confiant que je passe une nuit de repos, avec limite une pointe de soulagement en me disant : "bon et bien j'ai certainement attrapé le Coronavirus, je vais me confiner 15 jours et ce sera un souci de résolu pour la suite".

A posteriori, je suis incapable de dire comment j'ai été contaminé, certainement laxiste à un moment, j'ai du me relâcher sur les gestes barrières en allant faire les courses par exemple.

Le samedi 28 mars, je me réveille plutôt en forme, la fièvre a disparu et je participe au barbecue du midi en devisant avec mes compères et commence par prendre la surchauffe de la veille pour une broutille sans lendemain. La journée se passe bien et nous jouons le soir. Mon téléphone regorge de vidéos Time's Up, preuve indiscutable de ma bonne forme du moment.

Le dimanche est plus difficile, la fièvre revient pour repartir le lundi. Je finis par appeler l'hôpital du coin, à Bar Le Duc. Les urgences me confirment qu'ils sont saturés par les demandes et qu'il redirigent les potentiels malades directement en Allemagne pour une prise en charge optimale.

Ne souhaitant pas ajouter une barrière de la langue à un souci de santé, je rentre à Paris le mardi 31 mars avec l'intention de me confiner encore 10 jours.

Un mois jour pour jour après mon arrivée chez Microsoft, soit le jeudi 2 avril au matin, en ayant parcouru toutes les informations disponibles sur le Net sur les symptômes et n'ayant, à date, qu'une fièvre carabinée à 39.6°, je me décide à appeler SOS Médecins. Petit test rapide de la saturation en oxygène qui affiche un bon 95%, pas optimal vs le 100% attendu mais très raisonnable quand même. Pas de nécessité d'aller à l'hôpital mais évolution des constantes à surveiller...

Ce jour-là, je tergiverse jusqu'à prendre un coup de semonce groupé familio-amical m'enjoignant de ne pas faire le malin et d'aller me faire tester en urgence. Une amie médecin me conseille fortement d'aller à l'hôpital Georges Pompidou par mes propres moyens plutôt que de faire appel au Samu.

A 15h, résigné, je place trois caleçons dans un sac de sport et me rend en taxi aux urgences de Pompidou pour passer un test, convaincu au pire d'y rester la nuit.

A 16h, le test effectué, après une auscultation rapide, le pneumologue m'envoie passer une radio des poumons, l'air un peu préoccupé.

A 17h, le résultat est sans appel : poumons touchés à 55%, c'est très grave. Je suis reconduit dans une chambre, je signe la fiche d'admission et tente tant bien que mal de rassurer mon entourage.

Premières nuits laborieuses, les traitements entrepris prennent du temps à produire des résultats. Les journées du vendredi et du samedi passent très vite entre assoupissement et médication.

Quand je suis conscient, ca part dans tous les sens, j'ai une vraie peur malsaine qui monte, pas de celle que l'on a avant de se jeter d'un avion en chute libre mais une angoisse sourde qui me fait balayer toute ma vie. C'est pêle-mêle mais je me dis que je n'ai pas mis mes contrats d'assurance-vie à jour, qu'il n'y a pas de procuration sur mes comptes, que je n'ai pas fait de testament ...

Le dimanche 5 avril, ma saturation en oxygène est encore plus basse, je ne ressens pas de problèmes respiratoires mais en étant allongé sans aucune activité, difficile de savoir réellement ce qui se passe.

Vers 17h, le verdict tombe, je ne suis plus capable de respirer tout seul.

Je dois être intubé. Je suis placé dans un coma artificiel, à peine le temps d'envoyer un message à ma femme pour la prévenir : "ils vont m'endormir pour que je puisse respirer, ne t'inquiète pas, ca ira mieux dans deux jours".

19 jours de coma plus tard, je me réveille.

Nous sommes le jeudi 24 avril et un tube dans ma gorge m'empêche de respirer, je me rendors en permanence.

Le lendemain, le tube est enlevé, je peux enfin respirer un peu par moi-même, cela fait 20 jours que cela ne m'est pas arrivé... J'essaye de communiquer mais c'est très laborieux, j'ai encore beaucoup de médicaments dans le sang qui obscurcissent mon jugement. Je n'ai pas accès à mon téléphone car par mesure de précaution l'hôpital interdit de le récupérer pour éviter que l'on spamme la terre entière. Cela ne fait qu'accroître ma fureur.

Première discussion très compliquée avec ma femme : ravie et soulagée de me savoir réveillé et moi qui ne comprends pas ça, m'insurge contre tout et délire en permanence en échafaudant des plans d'évasion tous plus ridicules les uns que les autres. 

Mes proches ont été tétanisés par ce qu'il vient de se passer pendant 20 jours et moi je reste concentré sur mon petit nombril comme si j'avais fais une sieste, à fulminer sans aucune reconnaissance pour le personnel médical qui m'a sauvé trois fois la vie. Ma mère me joint sur le téléphone de la chambre et raccroche quasiment immédiatement, bouleversée par ma voix d'outre-tombe.

Le samedi matin, j'arrive à faire quelques pas avec un déambulateur, j'ai perdu 14kg majoritairement du muscle. Mon cerveau, en plus de clapoter douillettement dans les médocs, ne réussit pas à comprendre que le reste de la carcasse n'est plus vraiment opérationnel. Du coup je passe mon temps à tout rater, je ne peux pas attraper quoique que ce soit sans le laisser tomber, bref il faut tout réapprendre.

Heureusement, je récupère très vite et après moult discussions/suppliques auprès du corps médical, j'arrive à sortir du service de réanimation, le dimanche soir, en étant sevré d'oxygène. Dorénavant, il me faut dormir et manger pour récupérer au plus vite : dormir en réa étant très compliqué avec le matelas qui tourne sur lui-même toutes les 15 minutes pour éviter les escarres.

Le lundi 29 avril, je récupère enfin mon téléphone et les messages affluent : je peux enfin rassurer tous ceux qui se sont énormément inquiétés pour moi tant dans mon cercle familial, amical que professionnel.

Dès lors le spectre du vendredi 1er mai (date de mes 45 ans) m'oppresse et je fais tout pour sortir au plus vite. Je prends la check-list des différents intervenants : infirmières, pneumologues, médecins chef, internes et kinés, prévient ma famille que je ne vais pas être super joignable et passe mon temps à optimiser tout ce que je peux pour valider ma sortie. Mon bilan d'hospitalisation m'est enfin communiqué.

J'apprends que j'ai failli mourir 3 fois. La première fois en arrivant le jeudi 2 Avril, si jamais j'avais attendu le week-end ou pire le lundi, quand le pic d'hospitalisations a commencé, je n'aurais eu aucune chance de survivre car mes poumons auraient été plus gravement touchés et le corps médical aurait eu moins de temps à me consacrer. Je me remémore que sans l'insistance de mes proches, j'aurais continué de travailler au moins jusqu'au samedi...

La deuxième fois pendant la première nuit dans le coma, 50% de chances que je passe la nuit à cause de la manière dont mon corps rejetait les médicaments.

La troisième fois lors de ma dernière nuit dans le coma, 10% de chances que je me réveille car cela faisait déjà une semaine qu'ils essayaient tous les jours. Il a fallu utiliser un protocole spécial pour y arriver.

Le mercredi 29 avril soit 5 jours après être sorti du coma, j'arrive enfin à rentrer chez moi dans une forme très relative physiquement mais avec un moral au top.

Mon anniversaire se passe divinement bien même si je peux à peine marcher mais le plaisir de revoir mes proches me donne une énergie incroyable.

Dès le lundi 4 mai, après avoir discuté avec les RHs et l'infirmerie de Microsoft je recommence à travailler quelques heures par jour en mode low touch. Au bout de 15 jours, je peux reprendre une activité normale.

Aujourd'hui, 5 mois après être sorti de l'hôpital, je me sens très bien, j'ai quasi tout récupéré, pas de séquelle, à part 7% de capacité pulmonaire en moins que je devrais retrouver.

J'ai eu à répondre à beaucoup de questions depuis ma sortie du coma.

Une récurrente à été ce que j'avais vu ou pas pendant ces 19 jours et j'ai le regret de dire que je n'ai aucun souvenir.

Et sur comment se remettre de ce genre de choses, il n'y a définitivement pas de règle mais pour moi une bonne idée à été de considérer que chaque progrès réalisé était une victoire sur hier et non pas sur ce que j'étais avant.

Camille L.M 


Merci du fond du cœur au corps médical de l'hôpital Georges Pompidou, à tous ceux qui se sont relayés pour me permettre de respirer de nouveau aujourd'hui : aides-soignant(e)s, infirmièr(e)s, médecins, kinés... et particulièrement au Dr Jean Pastre.

lundi 10 août 2020

Arrêter la malédiction

 

Te souviens-tu de l’année 2020 ? Celle qui devait faire oublier 2019. Au début, on a tenu en respect le cyclone puis on l’a regardé nous atteindre. On a cherché des explications. Ce virus n’avait pas de sens, on a essayé de rationaliser son arrivée, nous fait remarquer Etienne Klein.                    

Un avertissement de la nature ? Le climat maltraité, l’hyperconsumérisme ? Une punition de Dieu ? Certains l’avaient même prédit à les écouter. On a fantasmé les finalités de ce nouveau virus. Il pourrait mettre en exergue les tares de notre société et nous obligeait à y remédier. Il pourrait être à l’origine d’une solidarité dans un véritable repentir partagé, le jour d’après.

On manquait d’informations, de protections. Les services de réanimation se remplissaient. Le comptage morbide quotidien allait débuter. Il fallait absolument stopper sa transmission. Arrêter la malédiction.

Alors le premier temps fort de sa gestion a été l’assignation à résidence, acceptée avec une résignation quasi désarmante. Bernard-Henri Levy s’en est ému dans son dernier essai (le virus qui rend fou). On n’avait pas de traitement autre que l’isolement. On a mis en berne la vie et l’économie au profit du tout sanitaire. Les célibataires devraient le rester au moins quelques semaines, les femmes battues devraient patienter, les personnes fragiles devraient compter sur la contribution amicale ou familiale pour se nourrir. On n’a plus observé le monde qu’à travers le prisme de la Covid 19. On n’a plus parlé des conflits, des famines, des autres maladies. On a comparé les pays du Nord au Sud dans leur gestion de cette seule maladie : la Suède qui avait décidé de ne pas se confiner, l’Inde où l’on risquait des coups de bâton si on n’appliquait pas strictement le confinement…

Outre les informations des scientifiques ou des politiques, les réactions individuelles face à ce virus ont varié de façon très intéressante d’une personne à l’autre : de celui qui nettoie frénétiquement ses courgettes à l’eau de javel à celui qui ne conçoit jamais le port d’un masque, jugé inutile ou liberticide.

Puis, deuxième temps fort, il y a eu ce scientifique. Pas le messie ni un charlatan, un professeur de maladies infectieuses. Il fallait arrêter la malédiction. Dans cette ambiance de chaos et d’hésitations, il avait des convictions, il avait une intuition. Et il l’a clamé telle une affirmation. Jusqu’à être acclamé par certains, hué par d’autres. Son intuition a été déclinée et extrapolée : traitement protecteur, traitement préventif, traitement curatif ?

Mais parviendrait-on à shunter le temps scientifique ? Tout le monde s’était déjà fait une opinion, l’ère du « je ne suis pas médecin mais… » avait commencé. Certaines idées semblent intuitivement plausibles même sans tout connaître comme le bien- fondé de la fermeture d’une centrale nucléaire. 

On était allé plus loin dans ce cas précis. On assistait à l’émergence de deux camps à l’origine de vives tensions. D'abord parmi les scientifiques dont de nombreux estimaient cette thérapeutique inefficace voire dangereuse, Les pressions quant à sa prescription se sont vite exercées.

Puis au sein du grand public (téléspectateurs, twittos, acteurs, footballeurs,…), certains vénéraient l’idée de l’antidote, d’autres la personnalité de ce professeur. Des dissensions sont apparues au sein des politiques français et internationaux. Comme si un remède pouvait être de droite ou de gauche. Un véritable militantisme décorrélé de la connaissance pour reprendre l’expression d’Etienne Klein. 

En effet, même si la frontière est floue entre croyances et connaissances, il faut les distinguer. Il n’appartient qu’aux études scientifiques in vivo pas in vitro, de donner les conclusions, pas au public, pas aux fans club, et au pouvoir politique de les utiliser en fonction de différents paramètres, sans tenir compte uniquement de la médecine.

FF

 

jeudi 16 avril 2020

Le Sars Cov2, on l'a vraiment dans la peau?


En consultation ou en téléconsultation de dermatologie, il n'est pas étonnant à l'heure actuelle d'observer des dermites d'irritation au gel hydroalcoolique ou aux lavages antiseptiques, ni de constater une recrudescence de certaines pathologies dont l'angoisse a pu être un facteur déclenchant : zona, poussée de psoriasis…
En revanche, certains signes dermatologiques, dans ce contexte épidémique, n'ont pas manqué de faire réagir nombre d'entre nous et nos collègues médecins généralistes.
Le président du syndicat des dermatologues, a lancé un groupe whatsapp, qui compte plus de 400 dermatologues libéraux, hospitaliers, militaires, pour échanger sur nos retours. La Société Française de dermatologie nous a demandé de colliger les cas observés (COVID SKIN) tout comme aux USA son équivalent l'AAD (American Academy of Dermatology)

D'abord, ces lésions rouges ou violacées un peu gonflées, permanentes, prurigineuses souvent, sensibles parfois, des orteils et des doigts, mimant des engelures, régressant en 8 à 15 jours.
Habituellement, les engelures, forme d'acrosyndrome (trouble vaso-moteur des extrémités). surviennent en saison froide. Il existe d'autres types d'acrosyndrome comme le phénomène de Raynaud qui lui est plutôt intermittent et évolue par phases, les atteintes artérielles très douloureuses chez les sujets prédisposés (tabagiques, diabétiques).
Les atteintes des extrémités, en particulier les orteils bleus, peuvent se manifester lors d’infections sévères et étendues, surtout en milieu hospitalier.

Hors là, nous remarquons ces lésions en ce moment, alors qu'il fait beau, souvent chez des adolescents, enfants, adultes jeunes, sans antécédent particulier, qui vont bien.
Ils ne présentent la plupart du temps peu ou pas (ou plus) de signes faisant suspecter une infection à Covid19 : la fièvre, la toux, la fatigue sont rares chez ces patients.
Il existe un écart entre la pauvreté de la symptomatologie infectieuse et les lésions parfois très importantes des orteils ou des doigts parfois violacées presque noires.
Le nombre élevé de cas similaires, le terrain, les circonstances d'apparition font donc évoquer un lien entre ce coronavirus et la peau.

D’autres atteintes dermatologiques ont été observées en Asie, en Europe et aux Etats-Unis : des éruptions urticariennes peu spécifiques sans cause retrouvée, des éruptions ressemblant à des varicelles, des éruptions mimant des réactions cutanées au soleil alors même que les patients confinés n’ont pas été exposés au soleil et qu’ils n’ont pas pris de médicament favorisant ce type de réaction…
Une recrudescence d’atteintes des mains et des pieds (bulles, nodules douloureux…) est à considérer chez les petits enfants.

Enfin, des atteintes muqueuses à type d’aphtes sont également rapportées.
Il n’est pas possible de conclure à une relation avec le Sars Cov2 formellement à ce stade.
Seules des hypothèses sont émises.

D’abord il faut rechercher le virus en sachant que cette recherche est surtout intéressante dans le sang (voire dans les prélèvements de peau) puisque le virus peut ne plus être présent au niveau du pharynx, et que la PCR revient souvent négative, au moment de l’apparition de ces signes cutanés.


Puis le ou les mécanismes de l’apparition de ces lésions dermatologiques seront à identifier et à expliciter.

On sait notamment grâce aux pneumologues que le caractère thrombogène (favorisant les caillots de sang) de ce virus est largement suspecté d’où les embolies, thromboses, micro-thromboses au niveau pulmonaire mais aussi cérébral (même en l’absence de terrain propice aux AVC), digestif …

On a également l’impression que ce virus entraîne une réponse immunitaire décuplée, il conviendra de rechercher s’il déclenche des phénomènes immunitaires dans la peau.
Ces deux éléments sont des pistes de travail, à étayer grâce à nos différents bilans biologiques, histologiques.

Ce nouveau virus n’a pas fini de nous étonner tant il est l’origine de tableaux cliniques variés en touchant de multiples organes. 
Hormis l’atteinte broncho-pulmonaire qui en fait souvent sa sévérité, la perte de goût et d’odorat devenues classiques en quelques semaines, les diarrhées par atteinte digestive, il est possible que ce virus affecte la peau.
L’enquête est en cours. FF



mardi 31 mars 2020

Communication virale


Trois jours après le début du confinement, j’ai senti brutalement mon cœur se serrer et ma respiration s’accélérer à tel point que j’étais concentrée dessus. J’ai cru à un infarctus du myocarde. Et puis, un cortège de signes fluctuant d’un jour à l’autre qui ne s’intégraient dans rien de connu : fièvre, courbatures atroces, perte complète du goût et de l’odorat, soif… Certains perdurent encore aujourd’hui.

Le test de dépistage a confirmé la présence de Coronavirus dans le nasopharynx. J’ai eu des moments très difficiles avec des quintes de toux, une fatigue incroyable m’obligeant à dormir plus de la moitié de la journée, des épisodes de confusion, la peur de m’étouffer.

Ce virus semble extrêmement agressif, il est à l’origine d’une symptomatologie très riche en touchant différents organes, bien sûr l’envahissement des poumons, mais probablement également le système nerveux central. Ce qui pourrait jouer dans la perte de l’odorat et du goût plus que par une atteinte de la sphère ORL, et agir sur la symptomatologie respiratoire en précipitant la désaturation (manque d’oxygène dans le sang). Bien entendu, ce ne sont que des hypothèses, je n’ai pas la légitimité de tirer ces conclusions.

Il y a quelques jours, relevant un instant le nez de ma profonde léthargie, j’ai réalisé que la France était désormais scindée en deux : les pro-Raoult et sa proposition de traitement comportant de l’hydroxychloroquine d’un côté, ses détracteurs de l’autre. Tout le monde avait un avis : infectiologues, médecins des plateaux télé, footballeurs, philosophes, et même hommes politiques à l’étranger. Je ne savais pas quoi en penser. Je prescris de l’hydroxychloroquine depuis vingt ans et j’ignorais qu’il pouvait potentialiser les effets d’un antiinfectieux. Je ne suis pas certaine qu’il ait vraiment un intérêt pour guérir plus vite du Covid 19.

Mais devant l’angoisse de cette malédiction invisible et sournoise, touchant sans distinction les gens connus, les pauvres, les riches, les fragiles, tuant même les jeunes, il est naturel d’espérer un antidote au plus vite. On a besoin d’un miracle. Il est même heureux que ce soit un grand professeur en infectiologie, que j’ai la chance d’avoir rencontré, qui soit devenu l’homme providence qui le prodigue et pas n’importe quel gourou.

Evidemment ni son attitude ni sa démarche ne sont les bonnes, évidemment pour conclure, il faut hâter les essais, les réaliser vite mais bien, avec un groupe placebo (groupe contrôle). L’utilisation hors AMM en ville d’un médicament n’est pas un frein, elle n’est pas rare et l’obtention d’une ATU à l’hôpital non plus. Evidemment il faut tenir compte des antécédents des patients, en particulier cardiaques, des interactions médicamenteuses.

Néanmoins, lui, il a cette forme d’intelligence qu’est l’intuition, advienne que pourra, il a cette détermination.
Ces éléments ont vraiment fait défaut au début de la gestion de cette épidémie. Des consignes précises, un cap qu’on prend dès le départ pour ne pas le quitter, des paroles claires, apaisantes, sans travestir la vérité.

Manque de communication ou pas assez de communication de manque ? Parce qu’on manque de tout : masques, tests, médicaments, respirateurs, lits, personnel. Au lieu d’être dignes et courageux comme des soignants, de ne pas attendre « qu’on vienne nous chercher », d’être honnêtes, on a inventé des subterfuges, on a botté en touche.
Nous assistons à un rendez-vous bien particulier avec l’histoire. C’est un moment à ne pas rater. C’est le moment où l’on met en berne l’économie et la politique au profit de notre bien le plus précieux : la santé.  FF