jeudi 4 octobre 2018

Polémique à doses homéopathiques


L’homéopathie est-elle une médecine comme les autres ? Doit-elle être prise en charge par la sécurité sociale? Ce n’est pas par animosité ou par anti-confraternité envers les homéopathes que ces questions reviennent sur le devant de la scène et ont donné lieu en mars 2018 à une tribune de médecins opposés. Ce débat, pas les affrontements stériles en découlant, est en fait passionnant parce qu’il dépasse largement le domaine de l’homéopathie ou des médecines dites parallèles.

Il nous permet de réfléchir plus largement à ce que sont en 2018 la santé, la médecine, et la ou les façons de les appréhender, la vision et les enjeux du soin ayant évolués. La santé, d’après la définition OMS, est désormais un état de complet  bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité.

Au XVIIIe siècle, lorsque Hahnemann pose les bases de l’homéopathie (1), la médecine n’en n’est qu’à ses balbutiements et sa théorie semble pertinente :
« La méthode homéopathique est celle qui, calculant bien la dose, emploie contre l’ensemble des symptômes d’une maladie naturelle, un remède capable de provoquer chez l’homme bien portant des symptômes aussi semblables que possible à ceux que l’on observe chez le malade. »

Puis s’en suit la théorie de la dilution du principe actif pour éviter l’aggravation de la symptomatologie jusqu’à ne le retrouver qu’à des quantités infinitésimales (1) .On l’associe parfois à des plantes ou autres (on ignore souvent en quoi résident ces associations) et on en fait des granules, des comprimés ou des ampoules. Ces mélanges peuvent être personnalisables et adaptés au cas par cas.

Rapidement, on s’aperçoit qu’aucune donnée scientifique n’étaye l’efficacité pharmacologique de cette méthode, aucune véritable étude. Les médicaments homéopathiques ont un statut dérogatoire et shuntent le circuit habituel d’autorisation de mise sur le marché (AMM). Martin Winckler, médecin, d’abord auteur à la revue Prescrire avant de devenir un écrivain célèbre, s’est beaucoup penché sur cette question (2) et je le rejoins dans ses réflexions et ses conclusions.(3)

En dermatologie, certains topiques aux substances actives n’ont jamais bénéficié d’un remboursement. Nombre de médicaments comme les veinotoniques ont été déremboursés pour service médical insuffisant. Ils n’ont pas montré d’efficacité thérapeutique satisfaisante. Nombre de soins médicaux et paramédicaux ne sont pas remboursés comme la psychomotricité libérale.
Alors, en l’absence de preuve scientifique apportée, de supériorité de l’effet de la molécule par rapport à un placebo, est-ce bien à la solidarité nationale de prendre en charge, même en partie, l’homéopathie ? 
Est-ce bien rationnel et cohérent ? (4) Cela ne représente certes que 128 millions d’euros, une paille, par rapport aux autres dépenses mais une paille qui chatouille et on s’orienterait vers le « non » semble-t-il.

C’est une question très philosophique. Certains praticiens estiment aussi que c’est bafouer l’éthique du soin que d’encourager la prescription de substances sans effet pharmacologique démontré, c’est mentir au patient. 
C’est faire un pied de nez à tous les chercheurs qui ont passé des années sur leur microscope à trouver un principe capable d’améliorer notre santé, notre espérance de vie. Certains professionnels de santé redoutent le raccourci : médicament remboursé donc validé et indiqué.

En fait, le problème est plus cornélien que prévu car le soin n’est pas que pharmacologique.
La notion d’effet placebo (3), qui n’est ni un terme péjoratif ni un synonyme de magie, prend ici tout son sens. Complexe, il aide les patients même si ce réconfort n’est pas quantifiable. D’autre part, ce n’est pas parce qu’un traitement n’est pas nécessaire qu’il est inutile.

Force est de constater que les français sont très attachés à l’homéopathie et que l’on y a tous recours à un moment ou un autre de nos vies. 
A l’arnica pour les hématomes ou après des soins de dermatologie esthétique. Aux sédatifs homéopathiques parce qu’on ne veut pas d’accoutumance et qu’on les estime plus naturels. Lorsqu’on a une infection virale sans gravité, on sait qu’elle va finir par disparaître seule, mais on aime se sentir épaulés.
De nombreux français apprécient les homéopathes pour leur écoute attentive (non pas qu’elle soit absente chez les autres), la prescription d’un traitement personnalisé, un mélange rien que pour eux avec des jolis mots latins.

Les homéopathes apportent un soin d’accompagnement, un bien être. On en revient à la définition de la santé de l’OMS. Ils ne peuvent tout guérir, ils ne peuvent se substituer aux cancérologues ou aux hématologues. De même que l’hypnose ne remplace pas l’anesthésie mais c’est une mesure accompagnante possible intéressante.

Alors, quelle place accorder aux médecines dites alternatives ? 
D’abord, commençons par changer cette désignation car ces deux mots sont antinomiques. A la médecine, aux données de la science, il n’y a pas d’alternative. Aucune confusion n’est à tolérer. Parlons plutôt de soins alternatifs, de mesures associées.
Une place de support car toute aide pour se sentir en bonne santé est non négligeable. F




4      4 https://www.jim.fr/medecin/actualites/pro_societe/e-docs/homeopathie_vous_reprendrez_bien_une_petite_dose_de_polemique__173553/document_jim_plus.phtml




















mardi 31 juillet 2018

Vous n'attendez pas qu'on vienne vous chercher

Vous êtes médecin de garde lorsque l'infirmière vous appelle pour un patient en arrêt cardio-respiratoire. Etat inattendu pour ce patient sans antécédent particulier connu. Vous le massez, l'infirmière lui injecte une ampoule sous-cutanée d'adrénaline à votre demande, vous remuez dans tous les sens devant le chariot de réanimation mais rien n'y fait. L'infirmière remonte le drap sur ce visage figé et vous murmure gentiment, la main sur votre épaule : c'est fini.
Vous êtes chirurgien en train d'opérer au bloc opératoire, une chirurgie de routine. Soudain, un bruit strident se fait entendre, l'électrocardiogramme est plat, les manœuvres de l'anesthésiste sont vaines, le patient vient de mourir sous vos yeux ébahis. Vous ignorez si vous avez fait une erreur dans la procédure comme fissurer une artère ou pas, et peu importe, la résultante est la même. Le décès est prononcé. Vous vous pencherez sur le dossier dans un deuxième temps mais il y a plus urgent.
Vous retirez votre masque et votre blouse. Vous inspirez un bon coup.

Et là, alors que vous n'avez même pas de conseiller en communication payé des millions (emploi fictif ou inutile?), vous vous préparez à vous adresser à la famille du défunt avec courage et honneur.
Vous savez bien que ça n'effacera rien. Votre première déclaration sera pourtant déterminante.
Pas tant sur le plan juridique ou judiciaire, mais plutôt sur le plan humain.
Pour vous, pour eux. Pour leur dire que vous n'êtes pas irréprochable, que vous êtes un humain.
Pour leur montrer que, responsable ou non, vous comprenez leur colère et leurs doutes, que vous appartenez comme eux à l'espèce humaine. 
Vous êtes désolé et c'est la chose que vous dites d'emblée et pas une semaine après. 
Chaque mot est réfléchi, décidé. Vous approuvez André Breton lorsqu'il dit : '' un mot et tout est perdu, un mot et tout est sauvé.'' 
Et ceci même si votre erreur ne portait pas à conséquence, même si elle était plus une affaire d'été qu'une affaire d'état. Vous n'attendez pas qu'on vienne vous chercher.
Vous vous exprimez clairement avec des mots justes et vrais, adressés à tous et pas uniquement à un public déjà conquis.
Vous essayez de ne pas tout engluer dans une bouillie faussement bienveillante.
Vous montrez votre solidarité et votre honnêteté.
Vous ne dissimulez pas la vérité, vous ne cherchez pas d'excuse, vous n'affichez pas de déni, vous ne minimisez pas les faits. Ce n'est pas vous la victime.
Vous n'accusez pas les éléments ou d'autres protagonistes.
Nul doute alors, vous êtes un soignant, pas un homme politique.

samedi 19 mai 2018

SAMU, je te dois mon salut!


Les soignants du libéral ou du service publique sont régulièrement pris pour cible et de plus en plus malgré un système de santé envié par de nombreux pays. Parfois de manière si virulente qu'on a la sensation que tout ce système est remis en cause à chaque instant.

Tout le monde y passe : les médecins, les pompiers, les urgences puis plus récemment le très apprécié SAMU.

Le service d'aide médicale urgente ou SAMU a été crée pour assurer les secours urgents, l'assistance pré-hospitalière des patients en urgence absolue, toute cause confondue (malaise, accident…)
Dans les années 50, il s'agissait surtout d'assurer les transports entre les hôpitaux de patients graves, qui habituellement mourraient dans les ambulances ordinaires, sans matériel de réanimation, sans oxygène, notamment lors d'épidémies.
Puis se sont dessinées les notions de régulation de l'urgence, de coordination des soins, de programmation en amont, dans les années 60-70.
Un médecin anesthésiste-réanimateur le Pr Virenque prend les commandes du premier SAMU en 1972 et le 15 est mis en place en 1979.

Le SAMU intervient non seulement pour les premiers soins mais aussi lors des situations de crises sanitaires aigues et d'urgences collectives, peut mettre en place si besoin des postes médicaux avancés.

Les médecins du SAMU prennent part à des gestes de plus en plus complexes bien avant l'arrivée à l'hôpital : fibrinolyse c'est-à-dire reperfusion d'une artère bouchée lors d'un infarctus du myocarde lorsque le délai d'arrivée en unité de soins intensifs cardiaques est jugé trop long, mise en place d'une circulation extra corporelle lors d'un arrêt cardiaque…
Cette invention de génie qu'est le SAMU s'est largement exportée et s'est internationalisée.
La régulation médicale chapeautée par le médecin régulateur (la gestion des appels au centre 15) va de l'aide téléphonique à l'envoi d'ambulances simples ou non.

Ce tri (ce triage même) est une notion ancienne qui a débuté lors des guerres ou des catastrophes, selon la gravité et le pronostic des patients. Lors de la première guerre mondiale, ce tri était effectué par des chirurgiens expérimentés puis le tri se poursuivait à l'entrée à l'hôpital par des infirmiers d'orientation.
Ce ''choix'', cette sélection par les équipes soignantes, et j'entends par équipe soignante, tous les protagonistes, de l'opérateur au médecin, est cornélien. Il dépend de nombreux paramètres pas toujours scientifiques, parfois très intuitifs. La première interaction avec un patient n'est pas toujours aisée et a fortiori par téléphone.

Sans défendre personne, la critique des soignants est souvent malhabile, trop facile, contre productive.
Il n'est pas non plus acceptable que lorsque vous tapiez SAMU sur un moteur de recherche, ne s'affichent que des articles relatant de fautes, de plaintes, de procès en cours.
Les commentaires négatifs, les propos les plus diffamatoires, que ni l'Ordre des Médecins ni le Ministère de la santé n'essaient d'interdire, déchirent la toile et se répandent comme une traînée de poudre.

Bien entendu, il faut pointer du doigt les dysfonctionnements, administratifs, individuels, médicaux, enseigner, former, organiser.
Mais à bon escient, pour avancer, pour progresser, pas en jetant les soignants en pâture à la foule et aux médias.

Comme beaucoup de personnes en France, je dois mon salut au SAMU.
Une septicémie sur une péritonite, et le glissement rapide vers un choc septique.
Je ne saurais jamais le nom du réanimateur qui m'a sauvé sinon je lui aurais érigé une statue. Je me souviens uniquement de sa voix grave, qui dans mon semi-coma, annonçait à ses collègues, calme et déterminé : ''ça y est, je l'ai récupérée'' F