Voilà, les premières vacances après la rentrée viennent de
s'achever, l’année scolaire est bien amorcée. Plus de photos de couchers de
soleil, de mamans parfaites en bikinis, ou de nouveaux cartables Spiderman ou
Barbie sur Instagram. Vous avez pleins de résolutions, plein d’idées. Vous avez
choisi la résidence étudiante pour votre aînée en école de commerce de banlieue
parisienne, trouvé un stage dans une pâtisserie à votre deuxième, réinscrit
votre dernier à ses activités.
Vous avez eu le casse-tête du choix de son
établissement, public ou privé. Vous espérez qu’il sera dans la même classe que
ses copains. Vous craignez sa trop intense vie sociale, ses sorties, toutes les
invitations à des soirées, à des dîners.
Pour nous parents d’enfants ou d’adolescents porteurs de
handicap, parents aidants, cette organisation est angoissante et douloureuse,
que ce soit pour « un enfant sans histoire » ou au contraire pour un
enfant avec trop d’histoires. Elle fait suite à la période d’été où il a déjà
fallu réfléchir à comment l’occuper : pas de structure adéquate, pas
d’amis pour lui proposer de l’emmener…
Nous devons nous poser des questions que la majorité n’a
pas à se poser : nouveau dossier MDPH (maison départementale des handicapés) de plus de 20 pages à remplir qui ne
sera étudié que 4 à 18 mois après, structure ordinaire avec AESH, AEEH, ou IME,
CLIS pour les plus jeunes, ULIS… Ces acronymes vous sont inconnus à vous
parents de la chance.
Il nous faut également prévoir les aides humaines ainsi que
le budget alloués à son bien-être, sa sécurité, sa santé, sa scolarité. Tout
ceci demande une énergie et une adaptabilité extraordinaires. Heureusement, je
suis épaulée par des amis et des parents formidables.
Le tout avec cette boule au ventre qui ne nous
quittera jamais et que nous essayons de ne pas laisser transparaître ni devant
lui parce que ça ne ferait qu’ajouter à ses propres inquiétudes et souffrances,
ni devant nos connaissances, que nous laissons nous abreuver de tous les
exploits de leurs progénitures (il est ceinture noire au judo, il a tellement
de facilités qu'il n'a pas besoin de travailler…)
Comment sera son
nouvel établissement cette année ? Même s’il est « prévenu »
sera-t-il accueillant, bienveillant ? Comment sera le regard des autres,
adultes et enfants, cette année ? Va-t-il être harcelé, va-t-il être
moqué ? ? Qui voudra chercher à le comprendre ? Mon enfant
sera-t-il assez adapté ? Qui va vouloir l’aider ? Qui acceptera de
« s’adapter » ? Qui va l’aimer ?
Nous nous préparons particulièrement avant la rentrée à
affronter tous ces regards. Heureusement nombreux sont enveloppants, gentils,
compatissants. Il y a quelques semaines, j’ai eu la chance d'approcher Yann
Bucaille. Après avoir rencontré un jeune trisomique qui voulait un travail, il
est passé du stade de compatissant à celui d’agissant en fondant les Cafés
Joyeux. « La richesse la plus grande est la richesse humaine »
se plaît-il à déclarer. J’espère qu’il sera à mes côtés dans une nouvelle
épopée.
Certains sont indifférents, j'ignore comment ils font, les
gens qui ne se sentent concernés ni par la maladie, ni par le handicap. Ce sont
des situations qui n’arriveraient qu’aux autres. Certains sont hostiles, ils
émettent des avis négatifs parfois d'emblée : il ralentit la classe, il
n'est pas à sa place…
Et ceux qui vous posent la main sur l'épaule en vous disant
« bon courage », ceux qui portent un regard condescendant presque
pathétique.
Je ne demande pas de commisération, je n’affirme jamais,
même pour me consoler, que mon enfant est extraordinaire ou essentiel pour les
autres. J’ignore si le handicap est une richesse pour la société mais il fait
partie de la société.
Le triptyque inclusion-bienveillance-diversité semble bien
avoir remplacé le classique « fraternité ». J’aimerais avoir autant
de millions que le nombre de fois où est prononcé « inclusion »
s’agissant des handicapés.
Et les femmes et hommes politiques, les entreprises, nous
proposent des mises en scène toujours plus nombreuses sur leur engagement dans
la dite inclusion. Les photos des réunions sur l’inclusion, dans les
établissements scolaires, lors des rencontres sportives, dans les entreprises,
envahissent les réseaux sociaux. Ce sont parfois uniquement des postures
d’affichage. Certains n’hésitent pas à s’offrir une image vertueuse sur le dos des
personnes différentes.
Mais, comme l’a écrit récemment le champion de tennis
paralympique Michael Jeremiasz : « l’entreprise n’a pas à être
inclusive. Elle doit être l’entreprise, cette organisation riche de talents
divers permettant de créer une valeur sociale (un bien commun) autant
qu’économique (un service pour tous). »
Et il poursuit : « la ville n’a pas à être
inclusive, elle doit être la cité, cet espace où tous les citoyens évoluent
libres et égaux en droit. »
L'expression inclure les handicapés m'a toujours mis mal à l'aise moi
aussi, cela m'évoque qu'au départ ils n'appartiennent pas au groupe, qu'il sont
en marge, qu'il faut les intégrer.
Michael Jeremiasz
nuance et explicite : « Je comprends l’importance de signaler le
chemin vers une meilleure prise en compte des différences, et vers une action
positive pour corriger des situations discriminatoires. »
Pour terminer, il qualifie l’étendard inclusif d'« handiwashing »
car explique-t-il « la question n’est pas de savoir si les handicapés
doivent être inclus mais dans quelles conditions la société peut arrêter de
rogner la citoyenneté des handicapés au quotidien » FF