Fin décembre 2020,
débutait timidement, notamment faute de doses disponibles, la campagne de la
vaccination contre le Covid 19 en France avec Mauricette. J’avais eu l'occasion
de m'exprimer sur le sujet (1). Nous allions enfin entrevoir le bout du tunnel.
Naturellement, j'ai couru me faire vacciner à l'hôpital Beaujon dès que j'ai
obtenu un rendez-vous mi-janvier. Ce matin-là, j'étais entourée des internes
des urgences et de la réanimation, arrivés en masse, émus aux larmes. Ne plus
revivre cette hécatombe, apporter sa contribution à cette opération de
sauvetage planétaire, éviter des décès, remettre à flot l'économie… En
l'absence d'autres thérapeutiques efficaces, je ne voyais que des bonnes
raisons à cette vaccination sûre et active (2), ce n'était pas un sujet de
réflexion, voire je n'imaginais pas d'alternative, pas d'autres solutions.
Lorsque j'ai quitté
Beaujon en arborant mon badge bleu de vaccinée, une passante a levé les yeux au
ciel en l'apercevant et m'a craché dessus.
Puis, j'ai posté fièrement
la photo de ce badge sur les réseaux sociaux. Certains contacts m'ont trouvé
chanceuse et ils avaient raison. D'autres m'ont insulté. Et Clem, une ancienne
copine de lycée, a fait ce commentaire-fleuve avec des ingrédients bien connus
maintenant de la croyance pure où les faits sont soumis à une théorie contrairement
à la science, et ils sont présentés avec certitude et une étonnante véhémence.
Depuis que l’infection au
Sars Cov 2 a touché la France, on n’a cessé d’entendre les voix discordantes
des méfiants artisanaux et industriels. Cette crise nous a permis de reparler du
complotisme. Ce phénomène, bien qu’ancien, a posé question à cette occasion. Certains conspirationnistes sont radicaux,
structurés, habités. Plus que défiants, ils sont anti-système, ils présentent
l’actualité comme étant une mise en scène dont profiterait les puissants. Ces
mécanismes ont été bien étudiés et décrits, mis au « goût » du jour : par
l’essayiste Marie Peltier, Rudy Reichstadt fondateur de Conspiracy Watch, dans
le reportage de Martin Weil, dans le numéro spécial de Zadig de Eric Fottorino…
Qui observe-t-on dans
cette fosse à sceptiques ? Des allumés adeptes de l’immunité naturelle,
des oligo-éléments ou des huiles essentielles ? Ceux qui boivent leur urine
ou font des incantations? Pas uniquement. L’éventail est multiple avec des
éléments en commun. J’en veux pour exemples leurs hésitations entre l’extrême
droite et l’extrême gauche, l’utilisation de thématiques pitoyables redondantes :
chemises noires, étoiles jaunes, pandémie capitaliste voire sioniste, leur
vision noire de notre avenir d’esclaves à la merci de nos gouvernants qui nous
maintiendraient dans un régime dictatorial…Leurs dogmes plombent des mesures
efficaces, ils se raccrochent à des éléments bancals pour étayer leurs
théories. Ils sont des éponges à rumeurs.
Qui sont-ils ? A qui
profite ce mouvement d’« opposants » ? Des femmes et hommes politiques
en mal d’électeurs ? Des artistes en mal de reconnaissance ? Des
influenceurs des réseaux sociaux ? Des délinquants scientifiques ?
Des charlatans ? J’en passe et des meilleurs. C’est pour eux une occasion
rêvée de s’ériger en contestataire absolu, d’enfin prendre la lumière. Elle risque
de ne pas se représenter. Leurs affirmations vont bien au-delà de la mauvaise
foi, ils parviennent à tenir des propos presque aussi délirants que ceux des
patients vus par les psychiatres de garde aux urgences, avec des éléments
paranoiaques ou des thèmes mégalomaniaques. Les complotistes sont évidemment des
antivax convaincus.
Cependant, depuis que des
doses de vaccins sont théoriquement désormais disponibles dans toute la France au
plus de 16, puis au plus de 12 ans, on note que dans la population adulte réticente
à la vaccination, il n’y a pas que des complotistes loin s’en faut. Même si
certains affichent une certaine complaisance envers eux.
Et le « je ne suis
pas antivax mais » est en passe de remplacer le « je ne suis pas
raciste mais »
Tous les médecins en
rencontrent sur leurs lieux d’exercice. J’étais étonnée, début juillet, de les
voir encore nombreux lorsque je demandais : « ça y est, vous êtes
vacciné(e) ? »
« Vous croyez ?
Mais je suis jeune et sportif »
« Que sait-on
vraiment de ces vaccins »
« On verra à la rentrée ! »
Certains sont des égoïstes
affichés, des dénialistes, d’autres des doutants, des hésitants, des n’y
pensant plus, des « ni pour ni contre, bien au contraire » qui ne
demandent qu’à basculer vers un camp ou un autre. A l’étranger, on nous perçoit
comme des occidentaux gâtés. Et le variant delta de progresser.
Alors le président Macron
a tranché le 12 juillet en décidant d’établir le Pass sanitaire et l’obligation
vaccinale des soignants. Il n’a plus tergiversé. Il s’est finalement montré
déterminé. Après des discussions, oppositions, et des manifestations, ce Pass vient
d’être adopté par le Parlement. Et le nombre de vaccinations a fait un énorme
bond.
Pouvions-nous vraiment
éviter ces injonctions ?
Sans ressasser l’année
2020, les mensonges et les errements du gouvernement ont entaché la confiance
des français. Puis lorsque la campagne vaccinale a débuté avec un rythme très
léger, on avait l’impression que le gouvernement attendait notre adhésion, que
la vaccination n’était qu’une possibilité. La vaccination était proposée sans manœuvre
incitative, en attendant que les gens se rapprochent de la vaccination et pas
le contraire. Ce d’autant que son accés est inégal selon les territoires (déserts
médicaux, nombre de doses différent, rendez-vous surtout par internet, pas de
vaccinodromes mobiles…) et que la vaccination seule ne suffit pas. Aucune véritable
stratégie ne se dessinait.
Et tout le monde ne va pas
vers l’information. Nombreux sont les français qui n’ont pas de médecin à qui
parler. Ils ne disposent pas des mêmes informations. Le grand public lit
rarement Nature ou le New England Journal of Medecine. Ils regardent la
télévision, suivent les réseaux sociaux, les chaînes Youtube. Ainsi, la nuance ne
faisant pas d’audience, certains médias ont porté aux nues des rassuristes, des
scientifiques ou des pseudoscientifiques qui ne connaissaient rien au Covid
mais s’exprimaient à longueur de journée, sur les différentes vagues, sur les
soi-disant traitements précoces…Désinformation ou trop plein d’informations. Les
français ne savaient plus à quel sachant se vouer.
Le civisme a été préféré à
l’égoisme (3) pour s’en sortir tous ensemble ce 12 juillet. L’exécutif n’est pas
qu’un arbitre, il peut adopter des mesures contraignantes, c’était aux
adversaires politiques de démontrer avec de bons arguments s’ils en avaient, que
la ceinture de sécurité vaccinale portait atteinte aux libertés individuelles.
Bien que je n’aie aucun
sens politique et aucune légitimité dans ce domaine, je crois que le président
Macron a pris la bonne décision. Je n’aimerais pas être son adversaire lors des
prochaines élections. FF
1. https://www.causeur.fr/la-vaccination-enjeu-des-elections-190071
2. https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/nejmoa2034577
3. https://www.lopinion.fr/edition/politique/choix-nous-plutot-que-je-250101
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