En
consultation ou en téléconsultation de dermatologie, il n'est pas
étonnant à l'heure actuelle d'observer des dermites d'irritation au
gel hydroalcoolique ou aux lavages antiseptiques, ni de constater une
recrudescence de certaines pathologies dont l'angoisse a pu être un
facteur déclenchant : zona, poussée de psoriasis…
En
revanche, certains signes dermatologiques, dans ce contexte
épidémique, n'ont pas manqué de faire réagir nombre d'entre nous
et nos collègues médecins généralistes.
Le président du syndicat des dermatologues, a lancé
un groupe whatsapp, qui compte plus de 400 dermatologues libéraux,
hospitaliers, militaires, pour échanger sur nos retours. La Société
Française de dermatologie nous a demandé de colliger les cas
observés (COVID SKIN) tout comme aux USA son équivalent l'AAD
(American Academy of Dermatology)
D'abord,
ces lésions rouges ou violacées un peu gonflées, permanentes,
prurigineuses souvent, sensibles parfois, des orteils et des doigts,
mimant des engelures, régressant en 8 à 15 jours.
Habituellement,
les engelures, forme d'acrosyndrome (trouble vaso-moteur des
extrémités). surviennent en saison froide. Il existe d'autres types
d'acrosyndrome comme le phénomène de Raynaud qui lui est plutôt
intermittent et évolue par phases, les atteintes artérielles très
douloureuses chez les sujets prédisposés (tabagiques, diabétiques).
Les
atteintes des extrémités, en particulier les orteils bleus, peuvent
se manifester lors d’infections sévères et étendues, surtout en
milieu hospitalier.
Hors
là, nous remarquons ces lésions en ce moment, alors qu'il fait
beau, souvent chez des adolescents, enfants, adultes jeunes, sans
antécédent particulier, qui vont bien.
Ils
ne présentent la plupart du temps peu ou pas (ou plus) de signes
faisant suspecter une infection à Covid19 : la fièvre, la
toux, la fatigue sont rares chez ces patients.
Il
existe un écart entre la pauvreté de la symptomatologie infectieuse
et les lésions parfois très importantes des orteils ou des doigts
parfois violacées presque noires.
Le
nombre élevé de cas similaires, le terrain, les circonstances
d'apparition font donc évoquer un lien entre ce coronavirus et la
peau.
D’autres
atteintes dermatologiques ont été observées en Asie, en Europe et
aux Etats-Unis : des éruptions urticariennes peu spécifiques
sans cause retrouvée, des éruptions ressemblant à des varicelles,
des éruptions mimant des réactions cutanées au soleil alors même
que les patients confinés n’ont pas été exposés au soleil et
qu’ils n’ont pas pris de médicament favorisant ce type de
réaction…
Une
recrudescence d’atteintes des mains et des pieds (bulles, nodules
douloureux…) est à considérer chez les petits enfants.
Enfin,
des atteintes muqueuses à type d’aphtes sont également
rapportées.
Il
n’est pas possible de conclure à une relation avec le Sars Cov2
formellement à ce stade.
Seules
des hypothèses sont émises.
D’abord
il faut rechercher le virus en sachant que cette recherche est
surtout intéressante dans le sang (voire dans les prélèvements de
peau) puisque le virus peut ne plus être présent au niveau du
pharynx, et que la PCR revient souvent négative, au moment de
l’apparition de ces signes cutanés.
Puis
le ou les mécanismes de l’apparition de ces lésions
dermatologiques seront à identifier et à expliciter.
On
sait notamment grâce aux pneumologues que le caractère thrombogène
(favorisant les caillots de sang) de ce virus est largement suspecté
d’où les embolies, thromboses, micro-thromboses au niveau
pulmonaire mais aussi cérébral (même en l’absence de terrain
propice aux AVC), digestif …
On
a également l’impression que ce virus entraîne une réponse
immunitaire décuplée, il conviendra de rechercher s’il déclenche
des phénomènes immunitaires dans la peau.
Ces
deux éléments sont des pistes de travail, à étayer grâce à nos
différents bilans biologiques, histologiques.
Ce
nouveau virus n’a pas fini de nous étonner tant il est l’origine
de tableaux cliniques variés en touchant de multiples organes.
Hormis l’atteinte broncho-pulmonaire qui en fait souvent sa
sévérité, la perte de goût et d’odorat devenues classiques en
quelques semaines, les diarrhées par atteinte digestive, il est
possible que ce virus affecte la peau.
L’enquête
est en cours. FF