L’homéopathie est-elle une médecine comme les autres ?
Doit-elle être prise en charge par la sécurité sociale? Ce n’est pas par
animosité ou par anti-confraternité envers les homéopathes que ces questions
reviennent sur le devant de la scène et ont donné lieu en mars 2018 à une
tribune de médecins opposés. Ce débat, pas les affrontements stériles en
découlant, est en fait passionnant parce qu’il dépasse largement le domaine de
l’homéopathie ou des médecines dites parallèles.
Il nous permet de réfléchir plus largement à ce que sont en
2018 la santé, la médecine, et la ou les façons de les appréhender, la vision
et les enjeux du soin ayant évolués. La santé, d’après la définition OMS, est désormais
un état de complet bien-être physique,
mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité.
Au XVIIIe siècle, lorsque Hahnemann pose les bases de l’homéopathie
(1), la médecine n’en n’est qu’à ses balbutiements et sa théorie semble pertinente :
« La méthode homéopathique est celle qui, calculant bien
la dose, emploie contre l’ensemble des symptômes d’une maladie naturelle, un
remède capable de provoquer chez l’homme bien portant des symptômes aussi
semblables que possible à ceux que l’on observe chez le malade. »
Puis s’en suit la théorie de la dilution du principe actif pour
éviter l’aggravation de la symptomatologie jusqu’à ne le retrouver qu’à des
quantités infinitésimales (1) .On l’associe parfois à des plantes ou autres (on
ignore souvent en quoi résident ces associations) et on en fait des granules,
des comprimés ou des ampoules. Ces mélanges peuvent être personnalisables et
adaptés au cas par cas.
Rapidement, on s’aperçoit qu’aucune donnée scientifique n’étaye
l’efficacité pharmacologique de cette méthode, aucune véritable étude. Les
médicaments homéopathiques ont un statut dérogatoire et shuntent le circuit
habituel d’autorisation de mise sur le marché (AMM). Martin Winckler, médecin, d’abord
auteur à la revue Prescrire avant de devenir un écrivain célèbre, s’est
beaucoup penché sur cette question (2) et je le rejoins dans ses réflexions et
ses conclusions.(3)
En dermatologie, certains topiques aux substances actives n’ont
jamais bénéficié d’un remboursement. Nombre de médicaments comme les
veinotoniques ont été déremboursés pour service médical insuffisant. Ils n’ont
pas montré d’efficacité thérapeutique satisfaisante. Nombre de soins médicaux
et paramédicaux ne sont pas remboursés comme la psychomotricité libérale.
Alors, en l’absence de preuve scientifique apportée, de supériorité
de l’effet de la molécule par rapport à un placebo, est-ce bien à la solidarité
nationale de prendre en charge, même en partie, l’homéopathie ?
Est-ce
bien rationnel et cohérent ? (4) Cela ne représente certes que 128
millions d’euros, une paille, par rapport aux autres dépenses mais une paille
qui chatouille et on s’orienterait vers le « non » semble-t-il.
C’est une question très philosophique. Certains praticiens
estiment aussi que c’est bafouer l’éthique du soin que d’encourager la
prescription de substances sans effet pharmacologique démontré, c’est mentir au
patient.
C’est faire un pied de nez à tous les chercheurs qui ont passé des
années sur leur microscope à trouver un principe capable d’améliorer notre
santé, notre espérance de vie. Certains professionnels de santé redoutent le
raccourci : médicament remboursé donc validé et indiqué.
En fait, le problème est plus cornélien que prévu car le
soin n’est pas que pharmacologique.
La notion d’effet placebo (3), qui n’est ni un terme
péjoratif ni un synonyme de magie, prend ici tout son sens. Complexe, il aide
les patients même si ce réconfort n’est pas quantifiable. D’autre part, ce n’est
pas parce qu’un traitement n’est pas nécessaire qu’il est inutile.
Force est de constater que les français sont très attachés
à l’homéopathie et que l’on y a tous recours à un moment ou un autre de nos
vies.
A l’arnica pour les hématomes ou après des soins de dermatologie
esthétique. Aux sédatifs homéopathiques parce qu’on ne veut pas d’accoutumance
et qu’on les estime plus naturels. Lorsqu’on a une infection virale sans
gravité, on sait qu’elle va finir par disparaître seule, mais on aime se sentir
épaulés.
De nombreux français apprécient les homéopathes pour leur
écoute attentive (non pas qu’elle soit absente chez les autres), la
prescription d’un traitement personnalisé, un mélange rien que pour eux avec
des jolis mots latins.
Les homéopathes apportent un soin d’accompagnement, un bien
être. On en revient à la définition de la santé de l’OMS. Ils ne peuvent tout
guérir, ils ne peuvent se substituer aux cancérologues ou aux hématologues. De
même que l’hypnose ne remplace pas l’anesthésie mais c’est une mesure
accompagnante possible intéressante.
Alors, quelle place accorder aux médecines dites
alternatives ?
D’abord, commençons par changer cette désignation car ces
deux mots sont antinomiques. A la médecine, aux données de la science, il n’y a
pas d’alternative. Aucune confusion n’est à tolérer. Parlons plutôt de soins
alternatifs, de mesures associées.
Une place de support car toute aide pour se sentir en bonne
santé est non négligeable. F
1 http://theconversation.com/samuel-hahnemann-pere-de-lhomeopathie-medecin-de-genie-ou-illumine-84982
4 4 https://www.jim.fr/medecin/actualites/pro_societe/e-docs/homeopathie_vous_reprendrez_bien_une_petite_dose_de_polemique__173553/document_jim_plus.phtml